En plus de ses coupes concernant la politique environnementale, le parti d’extrême droite envisage la fin de 80 agences ou opérateurs de l’État.

Taxé de « populiste », le budget du RN dit (beaucoup) de ses obsessions (photo de Marine Le Pen et Jean-Philippe Tanguy le 14 novembre à l’Assemblée)LUDOVIC MARIN / AFP
Taxé de « populiste », le budget du RN dit (beaucoup) de ses obsessions (photo de Marine Le Pen et Jean-Philippe Tanguy le 14 novembre à l’Assemblée)

POLITIQUE – Origine rance garantie. Alors que l’examen du budget 2025 a commencé à l’Assemblée nationale, avec un tour de chauffe en commission des Finances, le Rassemblement national s’appuie désormais sur son « contre-budget », toute une série de propositions plus précises qu’auparavant.

Lire aussi

Marine Le Pen au procès des assistants parlementaires du RN : à la barre, elle tente de faire une leçon politique

Le parti de Marine Le Pen en a présenté les grandes lignes lors d’une conférence de presse organisée en milieu de semaine. Au programme : un paquet de mesures qui permettrait, selon Jean-Philippe Tanguy, une économie nette de 14 milliards d’euros cette année (en plus de l’effort déjà conséquent proposé par Michel Barnier). Ambitieux.

Pour cela, le parti d’extrême droite veut notamment réduire l’aide de la France aux étrangers, sabrer dans l’administration publique (en supprimant 80 agences dont l’office de la biodiversité, entre autres), ou frapper les spéculations financières. Une recette bien connue, qui répond en tous points aux marottes et obsessions du mouvement lepéniste. Mais qui ne parviendra pas, sans doute, à rassurer sur leur crédibilité économique.

Les étrangers ciblés

En réalité, le budget du Rassemblement national fait trois principales victimes : les administrations, les étrangers et la transition écologique. Fidèle à ses marqueurs, le RN veut effectivement transformer l’aide médicale d’État réservée aux étrangers en situation irrégulière en une aide médicale d’urgence, ou réserver la prime d’activité aux Français. Il propose également de réduire la contribution de la France à l’Union européenne (-5 milliards) ou de baisser l’aide publique au développement (-2,34 milliards).

Concernant la transition écologique, le parti de Marine Le Pen confirme que ce n’est pas sa priorité. Du tout. Outre un soutien coûteux aux énergies fossiles, par le biais d’une TVA réduite, le Rassemblement national veut supprimer le plan vélo, réduire le fonds vert (bien plus que ce que Michel Barnier envisage), ou retirer 110 millions d’euros de subventions aux associations œuvrant dans le champ de l’écologie et de la mobilité durables.

Sans parler de la guerre qu’il veut mener aux énergies renouvelables (solaire et éolien), en récupérant quelque 6 milliards d’euros de subvention. Un positionnement là aussi classique à l’extrême droite, dont les élus sont toujours prompts à dénoncer des installations qui « défigurent » nos paysages. Mais ce n’est pas tout.

80 agences ou opérateurs dans le viseur

Au-delà de ces propositions déjà esquissées çà et là, le parti d’extrême droite a levé le voile sur les fameuses coupes drastiques qu’il entend opérer au sein de l’État. Une promesse jamais réellement explicitée jusqu’ici par les pontes du parti dans leurs différents programmes. Résultat : 80 agences ou opérateurs seraient concernées, de la biodiversité à la lutte contre le dopage en passant par l’habitat ou la cohésion des territoires.

Selon une liste consultée par Le Monde, le RN prône ainsi la suppression (ou le rabotage strict des missions) du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, de la Commission de régulation de l’énergie, de la Commission nationale du débat public, de l’Agence française de lutte contre le dopage, ou du régulateur des télécoms. Sont également dans le viseur, toujours selon le quotidien du soir : les agences de l’eau, les parcs nationaux, l’Agence nationale de l’habitat, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’Office français de la biodiversité et de nombreuses agences culturelles.

Objectif : huit milliards d’euros d’économie immédiate, à en croire le parti lepéniste. Oui, mais pour quels effets réels ? Hormis une reprise en main du pouvoir politique sur l’administration, antienne là aussi de l’extrême droite ? Depuis la présentation de ce « contre-budget », mercredi 16 octobre, les critiques fusent dans la classe politique, sur la portée et la philosophie de telles propositions. Depuis la gauche, mais pas seulement.

Le député insoumis Aurélien Le Coq s’est par exemple amusé de voir Jean-Philippe Tanguy s’en prendre au régime des intermittents du spectacle, mercredi en commission, enjoignant le député RN à « s’inscrire à ce régime puisque vous êtes très drôle » plutôt que « stigmatiser ceux qui font vivre la culture française. » Sur la même ligne, ou presque, plusieurs élus du camp présidentiel ou du NFP dénoncent un projet « populiste. »

« Progressivement, le RN révèle ce qu’il n’a jamais cessé d’être »

« Les opérateurs sont un bel outil de mise en place de politiques publiques si chacun fait son travail de parlementaire au lieu de vouloir le buzz », s’insurge ainsi le député MoDem Frédéric Petit sur les réseaux sociaux, en rappelant que « le parlement est représenté dans la gouvernance de tous les opérateurs mais beaucoup de députés sèchent leurs obligations ou ne les assument pas ». Et le même d’enfoncer le clou : « quel blabla et quel populisme ! ».

D’autant que s’il semble prêt à demander des efforts colossaux à l’État (et ses opérateurs), le Rassemblement national n’oublie pas d’épargner, dans son budget, certains segments stratégiques pour lui. Pas question ainsi, de taper au portefeuille des entreprises et se mettre à dos les grands patrons. Pas question non plus de demander une petite contribution aux retraités, cet électorat qui peut faire ou défaire une élection.

« Progressivement, le RN révèle ce qu’il n’a jamais cessé d’être. Un parti au service des financiers et des rentiers qui offre un écran de fumée au grand capital, en désignant à la vindicte les étrangers et les Français d’origine étrangère », s’est ainsi indigné le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure ce jeudi sur les réseaux sociaux. Le parti d’extrême droite venait de refuser une mesure visant à imposer les revenus du capital comme ceux du travail. Question de priorité (à droite.)

À voir également sur Le HuffPost :