En 2021, aux États-Unis, TJ Hoover, 36 ans, est déclaré en état de mort cérébrale après une overdose. Alors qu’il est opéré pour prélever ses organes, les médecins se rendent compte qu’il est toujours vivant. Des professionnels de santé tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme.

Juliette Desmonceaux

Revenu d’entre les morts. Un Américain de 36 ans qui était, selon les médecins, en état de mort cérébrale, s’est soudainement réveillé en pleine opération chirurgicale dans le cadre d’un don d’organes, en 2021. Alors que plusieurs années se sont écoulées depuis, plusieurs témoins, qui travaillaient dans le centre de prélèvement d’organes à l’époque, ont pris la parole pour demander que la procédure en place soit réexaminée, révèlent des médias américains cette semaine.

Le 25 octobre 2021, Anthony Thomas “TJ” Hoover II est admis aux urgences d’un hôpital du Kentucky après avoir fait une overdose. Rapidement, il fait un arrêt cardiaque et son état est déclaré comme critique par le personnel médical.

Sa soeur Donna Rhorer se tient, inquiète, à son chevet. “Le 26 octobre, on nous a dit qu’il n’avait plus aucun réflexe et aucune activité cérébrale”, se rappelle-t-elle, auprès de la chaîne locale WKYT. TJ est déclaré en état de mort cérébrale.

Le lendemain, la famille Hoover doit prendre une décision difficile et décide de débrancher le respirateur artificiel utilisé par TJ. C’est seulement à ce moment-là qu’elle apprend que le trentenaire avait décidé, des années plus tôt, de s’inscrire à la liste des donneurs d’organes potentiels.

Des tests médicaux menés avant l’opération

Des examens médicaux sont menés pour s’assurer que ses organes sont viables pour une transplantation. Des tests cardiaques sont notamment réalisés, sans que le personnel médical ne note visiblement quoi que ce soit d’étrange.

La soeur de TJ confie par ailleurs une anecdote surprenante. Alors qu’elle se trouve aux côtés de son frère, TJ “ouvre les yeux” et se met “à suivre du regard” son entourage.

“On nous a dit que c’était seulement des réflexes, que c’était normal”, confie-t-elle, assurant n’avoir rien dit. “Qui sommes-nous pour mettre en doute le personnel médical?”, lâche-t-elle. Son frère est conduit à la table d’opération comme prévu.

“Le médecin nous a dit qu’il s’était réveillé”

Mais après une heure d’intervention, le médecin sort brusquement de la salle d’opération. “Il nous a dit que (TJ) n’était pas prêt. Qu’il s’était réveillé”, confie Donna Rhorer.

“Mais ce qu’on ne nous avait pas dit, c’est que (TJ) s’était réveillé déjà durant la cathéterisation cardiaque qu’il avait subie dans la matinée”, s’indigne-t-elle.

Après ce réveil inespéré, les médecins conseillent à Donna de ramener son frère chez elle et de prendre soin de lui. Ils lui assurent cependant que le trentenaire ne vivra sans doute pas longtemps.

Trois ans après, TJ est toujours en vie, avec quelques difficultés à marcher ou parler, mais Donna ne cache pas sa colère. “Il a fait plusieurs tentatives ce jour-là pour nous dire: ‘je suis là’. Mais on l’a ignoré. Ils ont finalement arrêté l’opération parce qu’il montrait de trop nombreux signes de vie”, s’indigne-t-elle.

“Chaotique”

En janvier dernier, Nyckoletta Martin, qui était employée au centre de dons d’organes, décide de contacter Donna Rhorer. Alors qu’elle est encore marquée par cet épisode, elle tient à confier à la soeur de TJ comment les choses se sont réellement passées.

Nyckoletta Martin participait à l’opération du trentenaire quand elle dit avoir remarqué “qu’il bougeait”. “Il s’agitait un peu dans tous les sens sur le lit”, lâche-t-elle auprès de la radio NPR.

“Et puis quand on l’a regardé, on pouvait voir qu’il y avait des larmes qui coulaient. Il était clairement en train de pleurer”, se souvient-elle. Nyckoletta Martin indique que les deux médecins sont alors pris de panique et refusent de pratiquer l’opération.

“Le chirurgien a dit: ‘j’arrête. Je ne veux rien avoir à faire avec ça'”, raconte l’Américaine. “C’était vraiment chaotique, tout le monde était très mécontent”.

Plusieurs démissions

Lorsque Donna Rhorer apprend tous ces détails, deux ans et demi seulement après les faits, elle a enfin la confirmation que l’opération a connu plusieurs ratés.

“Tout ce dont je disposais c’était mon instinct qui me disait que tout ne s’est pas passé comme on nous l’a raconté”, lâche-t-elle.

Depuis cet épisode, Nyckoletta Martin confie avoir démissionné et avoir même suivi une thérapie. D’autres employés l’ont suivie, choqués par cet incident qui aurait pu prendre une tournure dramatique.

“J’ai dédié toute ma vie au don et à la transplantation d’organes. C’est très effrayant pour moi aujourd’hui de me dire que ces choses arrivent et qu’on ne protège pas mieux les donneurs”, explique-t-elle.

“C’est le cauchemar de tout le monde, non? Être en vie pendant une opération et savoir que quelqu’un va vous ouvrir et vous retirer des organes? C’est horrible”, estime-t-elle.

Les allégations en cours d’étude

Depuis, d’autres témoignages ont été rendus publics, questionnant la procédure de prélèvement de dons d’organes. Ces personnes ont été entendues en septembre devant la Commission d’Énergie et du Commerce du Congrès.

Après ces révélations, le bureau général du Kentucky ainsi que les services administratifs de santé fédéraux assurent “étudier ces allégations”.

“La santé de nos patients est toujours notre priorité. Nous travaillons avec nos patients et leurs familles pour nous assurer que leur souhait de donner leurs organes soit bien réalisé”, a par ailleurs déclaré l’hôpital du Kentucky qui a accueilli TJ Hoover.

L’organisation en charge du prélèvement d’organes assure n’avoir “jamais forcé quelqu’un à faire un don d’organes” et “ne jamais faire de prélèvement d’organes de personnes en vie”.