Budget 2025 : les retraites ne seront-elles vraiment plus versées en cas de censure ?

Budget 2025 : les retraites ne seront-elles vraiment plus versées en cas de censure ?

Budget 2025 : les retraites ne seront-elles vraiment plus versées en cas de censure ?
Si le gouvernement de Michel Barnier décide de recourir au 49.3, les députés auront la possibilité de déposer et de voter une motion de censure à son encontre. © SOPA Images/Getty Images

Ce mardi 26 novembre, les sénateurs ont approuvé à une large majorité le budget de la Sécurité sociale. Cependant, l’éventualité d’un recours à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le budget général de l’Etat persiste, en raison de l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Une situation qui pourrait entraîner le dépôt d’une motion de censure contre le gouvernement.

Si «le budget de la Sécu venait à être censuré, cela voudrait dire qu’au 1er janvier, votre carte Vitale ne marche plus, que les retraites ne sont plus versées», a averti l’ex-Première ministre Elisabeth Borne. La prédécesseure de Michel Barnier, qui avait fait approuver le budget 2024 grâce à l’article 49.3 — un mécanisme constitutionnel permettant d’adopter un texte sans vote des députés —, alerte sur les risques liés à une motion de censure. A gauche, les députés ont réaffirmé leur volonté de sanctionner le gouvernement si Michel Barnier venait, lui aussi, à utiliser l’article 49.3 pour faire adopter le budget 2025. «Nous sommes prêts à proposer, à tout moment, un nouveau budget», a déclaré Mathilde Panot, cheffe de file du groupe LFI (La France insoumise) à l’Assemblée nationale, à l’issue de sa rencontre avec le Premier ministre.

Lundi 25 novembre, alors que le projet de loi de finances (PLF) faisait son entrée au Sénat, Michel Barnier a rencontré, tour à tour, les leaders de l’opposition. Le chef du gouvernement cherche à convaincre les députés de ne pas voter la censure en cas de recours au 49.3. Quant au RN (Rassemblement national), il entretient encore le suspense. Face à ces menaces, le gouvernement durcit le ton. «Sans budget, on prend le risque d’un scénario à la grecque», a déclaré Maud Bregeon, porte-parole de l’exécutif, dans une interview au Parisien le 23 novembre. «Sans agiter le chiffon de la peur, qui veut offrir comme cadeau de Noël aux Français pour 2025 un déficit à plus de 7% et des taux d’intérêt qui s’envolent ?», a-t-elle ajouté.

Le projet de loi partiel ou projet de loi spéciale à la rescousse du budget 2025

Pour Marine Le Pen (RN), il s’agit de «fausses informations», a-t-elle défendu dans une tribune publiée dans Le Figaro le 26 novembre, affirmant qu’il «n’existe dans nos institutions aucun risque de “shutdown” contrairement à ce qu’affirment (…) certains membres du gouvernement»«Même en cas de censure, l’impôt serait levé, les fonctionnaires payés, les pensions versées, et les soins médicaux remboursés», a-t-elle poursuivi. A gauche, Eric Coquerel, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, partage cette analyse : même avec une motion de censure, il n’y aura «pas de shutdown, pas de chaos, ni de catastrophe». Mais alors, quels sont les réels risques d’une motion de censure en plein examen du budget ?

Le projet de loi de finances (PLF) doit impérativement être publié au Journal officiel (JO) au plus tard le 31 décembre 2024. Toutefois, «pour garantir que ce délai soit respecté, la loi prévoit des procédures d’urgence», explique Stéphanie Damarey, professeure de droit public financier, qui en dénombre trois :

La première procédure d’urgence se déclenche à partir du 11 décembre, conformément à l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances. Dans ce cas, le gouvernement peut demander au Parlement de se «prononcer sur la première partie de la loi de finances», qui concerne les recettes. Cela prend alors la forme d’un «projet de loi partiel». «La seconde partie, portant sur les dépenses, peut être adoptée ultérieurement, en janvier voire en février», précise l’experte.
La deuxième procédure d’urgence concerne le «projet de loi spéciale», que le gouvernement doit déposer avant le 19 décembre. Ce texte autorise l’exécutif à «continuer à percevoir les impôts existants»«Cette loi doit ensuite être adoptée par le Parlement. On peut supposer que les élus auront à cœur d’assurer la continuité de la vie nationale puisque, dans ce cas, il n’est pas question de répartition des recettes ou des dépenses», poursuit Stéphanie Damarey. A ce sujet, le RN a promis qu’en cas de censure, il voterait cette «loi spéciale» si le gouvernement décidait d’y recourir. Cette procédure a déjà été utilisée dans l’histoire de la Ve République, rappelle l’experte : «En 1979, la loi de finances pour 1980 a été censurée par le Conseil constitutionnel. Le gouvernement avait alors déposé un projet de loi spéciale afin de pouvoir continuer à percevoir l’impôt. L’examen du reste du texte avait été reporté à plus tard.» Une situation similaire s’était également produite en 1962, lorsque le budget de l’année suivante «n’a finalement été adopté que le 23 février 1963».
Une troisième procédure d’urgence est prévue par la loi : il s’agit de «la possibilité pour le gouvernement de faire adopter son projet de loi de finances en totalité ou partiellement par ordonnance». Jamais pratiquée sous la Ve République, cette option «évite au gouvernement de s’opposer aux parlementaires et d’avoir recours à l’article 49.3»«Par contre, cela suppose qu’il faut attendre la fin de la procédure pour avoir recours aux ordonnances», précise Stéphanie Damarey. Comme les deux précédentes options, le dispositif peut être utilisé seul ou en complément du fameux article 49.3, voire après une éventuelle motion de censure. Guillaume Tusseau, constitutionnaliste et politologue, s’interroge : «Un gouvernement démissionnaire peut-il déposer une loi partielle, spéciale ou agir par ordonnance ? S’agit-il d’affaires courantes ?». Pour Stéphanie Damarey, pas de doute : «Le fait que le gouvernement soit démissionnaire ne lui retire pas la possibilité d’agir à partir du moment où l’année ne peut débuter sans autorisation de continuer à prélever les impôts.»

Quant au budget de la Sécurité sociale, le texte ne bénéficie pas des mêmes procédures d’urgence. Cependant, peu importe, car «c’est la loi de finances qui autorise le prélèvement des impôts tout impôt confondu», y compris ceux destinés à la Sécurité sociale. En revanche, «le gouvernement peut agir par voie d’ordonnance pour les lois de financement de la Sécurité sociale», souligne l’experte. Les retraites ne seront-elles donc plus versées à compter du 1er janvier si le budget n’est pas encore adopté ? Le discours d’Elisabeth Borne n’est «pas tout à fait fidèle à la réalité», atteste l’experte, puisque la loi a prévu des mécanismes spécifiques pour éviter ce type de situation.

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