“Il enchaîne les boulettes”: Bayrou critiqué de toute part pour son déplacement à Pau en pleine crise à Mayotte
Le Premier ministre François Bayrou parle aux journalistes après une réunion de crise sur Mayotte, à Paris le 14 décembre 2024 – STEPHANE DE SAKUTIN © 2019 AFP
Le Premier ministre est déjà en grande difficulté après avoir semblé prendre à la lègère la situation de Mayotte, très durement touché par un cyclone. Sa présence dans sa ville de Pau pour défendre le cumul des mandats n’a pas arrangé la situation. Même ses proches au Modem peinent à le défendre.
À peine 72 heures à Matignon et déjà des couacs. François Bayrou enchaîne les couacs depuis sa nomination au poste de Premier ministre vendredi 13 décembre. Un départ en pleine conférence de presse sur Mayotte, dévasté par un cyclone, ce dimanche sous l’oeil interloqué de Bruno Retailleau, un aller-retour dans sa ville de Pau en jet pour assister au conseil municipal, un plaidoyer pour le retour du cumul des mandats qu’il a pourfendu pendant des années….
“Le grand politicien qu’on nous décrivait comme malin enchaîne les boulettes. C’est catastrophique. Il ne pourrait pas faire pire”, tance le député socialiste Arthur Delaporte auprès de BFMTV.com.
“Je suis tombée de ma chaise”
Le parcours de François Bayrou est pourtant marqué par plus de quatre décennies dans les allées du pouvoir. Le patron du Modem se prépare depuis des années à devenir Premier ministre. Au terme d’un improbable vaudeville et d’une très forte pression qu’il a mise lui-même sur Emmanuel Macron, le centriste est parvenu à être nommé chef du gouvernement.
“On est dans la période la plus difficile de la Ve République. L’argument en faveur de la nomination de Bayrou était basé sur son profil qui connaît par cœur le monde politique et sent bien la France. Et on se retrouve avec ça?”, s’étrangle un député Les Républicains (LR).
Au lieu de participer à Matignon ce lundi soir à une réunion d’urgence pour Mayotte, le Premier ministre a pris un jet pour se rendre au Conseil municipal de Pau, la ville qu’il dirige depuis 10 ans.
Devant les conseillers municipaux, François Bayrou assure qu’il suit la situation à Mayotte de près en visioconférence et en liaison avec son ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau mais se lance aussi dans un long plaidoyer pour le retour du cumul des mandats qui permettraient aux députés de rester maire.
Et tant pis si l’interdiction en vigueur ne concerne pas les Premiers ministres même si aucun locataire de Matignon n’est resté à la tête de sa commune depuis 1995.
“Moi quand j’ai vu ça, je suis tombé de ma chaise. Franchement… On a l’impression que Mayotte est une crise de seconde zone, qu’il prend tout ça à la légère. C’est très grave”, regrette une députée du bloc central.
“Incompréhensible”
L’un de ses collègues pointe, lui, un exemple: le retour du choléra à Mayotte au printemps dernier. Gabriel Attal, alors locataire de Matignon, avait fait le choix de fortement s’investir dans la gestion de la crise.
“Il était là de la première à la dernière minute pour un événement qui n’avait rien à voir en terme de gravité. C’est incompréhensible de voir ce que fait Bayrou aujourd’hui”, regrette cet élu.
Le Rassemblement national, avec qui le centriste entretient pourtant depuis plusieurs années des relations plutôt cordiales, n’est guère plus tendre. Le nouveau chef du gouvernement a pourtant pris soin de les inviter en tout premier aux consultations qu’il mène ces derniers jours.
“On ne nous parle jamais du non-cumul en circonscription. Moi, les gens m’interpellent sur le pouvoir d’achat, la sécurité, les écoles… Choisir ce sujet comme prise de parole est très loin des attentes des Français”, regrette le député RN Franck Allisio.
“Peut-être malhabile”
Au sein même du Modem, le parti qu’il a lui-même fondé en 2007, on ne se bat pas pour le défendre. “Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise? Tout ça ne donne vraiment pas une bonne impression. Je comprends que ça puisse heurter”, reconnaît un élu Modem.
“C’est peut-être malhabile”, lâche de son côté, du bout des lèvres, le député Richard Ramos, assurant que François Bayrou a “voulu marquer ses débuts à Matignon en parlant des territoires”.
Quant à la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, pourtant sur le papier dans le camp de François Bayrou, elle n’a pas fait semblant. “J’aurais préféré qu’il prenne l’avion pour Mayotte”, a-t-elle critiqué sur France info.
Quant au groupe Renaissance, il a fait savoir à l’issue de sa réunion hebdomadaire que le cumul des mandats n’était pas “le sujet en urgence absolue pour les Français en ce moment”.
Au-delà des polémiques qui font très mauvais effet à peine quelques jours après son arrivée à Matignon, François Bayrou a de quoi s’inquiéter du peu de soutiens qu’il engrange.
“Personne ne va vouloir se cramer”
“Le problème, c’est que déjà personne ne voulait se mouiller pour Barnier qui ne parlait pas beaucoup et ne sortait jamais de Matignon, bref, qui n’était pas radioactif. Là, si vous avez quelqu’un qui fait des dingueries, personne ne va vouloir se cramer”, résume un député LR.
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“Des polémiques comme ça une fois que vous avez un gouvernement, une assise politique, c’est moins grave. Mais en ce moment, il n’a pas de troupes. Donc tout le monde tape”, partage un député Renaissance.
De quoi alimenter une atmophère électrique à l’Assemblée ce mardi après-midi. François Bayrou répondra seul aux questions des députés, sans ses ministres démissionnaires, pour le défendre.