Inondations en Espagne: le roi chahuté par les victimes en colère

DÉCRYPTAGE – Le souverain espagnol, qui avait accompagné le premier ministre Pedro Sanchez dans la région sinistrée de Valence, a dû écourter sa visite après des scènes de protestation inédites.

Des jets de boue, des cris de « fuera ! » (dehors) et même d’« asesinos ! » (assassins). L’un a été protégé par le parapluie probablement blindé de son équipe de sécurité. L’autre a reçu le coup d’un long bâton ou d’un manche à balai et a dû être exfiltré. Le troisième s’est uni au premier pour tenter de parlementer avec la foule en colère.

La visite duroi et de la reine d’Espagne, Felipe VI et Letizia, du président du gouvernement, Pedro Sanchez, et du président de la région de Valence, Carlos Mazon, à Paiporta, l’épicentre des inondations au sud-est du pays, s’est passée plus mal que quiconque aurait pu l’imaginer. Mais de manière fidèle aux sentiments d’une partie des populations affectées par une catastrophe historique. La prévention, la gestion et l’administration des secours ont accumulé erreurs techniques, fautes logistiques et polémiques politiques déplacées.

Difficile de dire lequel des trois visiteurs suscitait le plus de haine ou de défiance. Le président régional, Carlos Mazon (Parti populaire, PP, droite), qui enchaîne les impairs depuis qu’il a relayé mardi dernier avec onze heures de retard l’alerte rouge de l’Agence météo, et qui n’a pas quitté son gilet d’urgentiste depuis quatre jours ?

Le leader national, Sanchez (Parti socialiste, PSOE) dont la détestation par une moitié de la population est instrumentalisée par son opposition ? Ou le roi lui-même, objet d’une bousculade totalement inédite dans un pays où il incarne d’habitude avec professionnalisme et sensibilité la compassion et la solidarité des Espagnols face aux épreuves — terrorisme, pandémie ou catastrophes naturelles ? « Ce n’est pas pour vous », a précisé une habitante à la reine Letizia en pleurs, avant que les deux ne partagent une accolade.

217 victimes confirmées

Paiporta, 25.000 habitants, est la localité la plus endeuillée par la tragédie, avec au moins 62 morts. Impassibles et dignes tout au long de cet épisode inédit, le roi et la reine sont restés environ une heure pour échanger avec les habitants et essayer d’apaiser leur colère, avant de quitter la ville. De leur côté, Pedro Sanchez et Carlos Mazon ont rapidement évacué les lieux, les services de sécurité étant manifestement inquiets face à une scène de quasi-émeute.

Le fait est que la visite conjuguée des trois représentants officiels a coïncidé avec la colère, réelle, qui couvait depuis cinq jours et s’alimentait de la longue liste des erreurs et des retards, ainsi que de l’aggravation constante et interminable du bilan humain. 217 victimes ont été confirmées ce dimanche, dont 210 dans la région de Valence.

Les autorités refusent de partager l’estimation du nombre de morts et de disparus, pour des motifs parfois légitimes, comme le fait que des milliers de personnes, privées de réseau ou de batterie, n’ont pas les moyens matériels de signaler leur localisation ni leur état de santé. 

La communication difficile sur le bilan est une première source de frustration. Les autorités refusent de partager l’estimation du nombre de morts et de disparus, pour des motifs parfois légitimes, comme le fait que des milliers de personnes, privées de réseau ou de batterie, n’ont pas les moyens matériels de signaler leur localisation ni leur état de santé. Certaines familles oublient aussi de signaler des retrouvailles avec leurs proches.

Solutions efficaces à la catastrophe

Mais on s’attend à ce que le bilan s’alourdisse. « Il reste encore des rez-de-chaussée inondés ou des garages, des sous-sols et des parkings à déblayer et il est prévisible que des personnes décédées se trouvent dans ces espaces », a déclaré le ministre des Transports, Oscar Puente, dans un message sur X. Le temps joue contre l’espoir de retrouver les disparus. Un numéro d’appel d’urgence a été diffusé samedi sur internet pour signaler la disparition d’un proche, nourrissant les inquiétudes.

À ce déficit d’information s’ajoutent de sérieux problèmes d’administration des ressources humaines et matérielles. L’aide, pourtant disponible, n’arrive pas aux zones sinistrées, ou pas assez vite. Ici, c’est un groupe de pompiers français sidérés qu’aucune autre équipe ne soit arrivée avant eux. « On est les premiers secours sur place ? », se fait confirmer le représentant du Groupe de secours catastrophe français sur une vidéo diffusée par l’ONG sur le réseau X.

Là, ce sont ces milliers de volontaires à qui Mazon a demandé samedi matin de rentrer chez eux parce qu’ils encombraient les routes, avant de saluer l’après-midi leur travail « indispensable ». Ailleurs encore, c’est sa ministre régionale qui rabroue les familles des disparus venues aux nouvelles à la morgue en leur ordonnant de rester chez eux.

Il est trop tôt pour savoir si les principales institutions du pays sauront en tirer les leçons et apporter des solutions efficaces à la catastrophe. Madrid avait annoncé samedi l’envoi de 10.000 soldats et policiers supplémentaires dans le sud-est de l’Espagne pour venir en aide aux sinistrés et aider à la recherche des disparus.

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