Kendji Girac : simuler son suicide est une violence conjugale (et est sévèrement puni par la loi)
Menacer de se tuer pour terroriser sa compagne constitue une violence psychologique caractéristique des violences conjugales. Un fait qui est puni jusqu’à cinq ans de prison.
Le chanteur peut être condamné jusqu’à cinq ans de prison pour avoir fait semblant de se suicider devant sa compagne, constituant en cela une violence psychologique. (©PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPP)On a d’abord pensé à une tentative de meurtre, puis à un accident… Finalement, la balle qui a traversé le thorax de Kendji Girac sur l’aire de grand passage des gens du voyage de Biscarosse, dans les Landes, sur fond d’alcool et de cocaïne, était une fausse tentative de suicide.Selon le procureur de la République de Mont-de-Marsan, Olivier Janson, le chanteur âgé de 27 ans a fait semblant de mettre fin à ses jours pour « faire peur à sa femme » , pointant l’arme sur lui, sans vérifier si celle-ci était chargée. Le coup est (malheureusement) parti.
Quel est l’élément déclencheur d’une telle situation ? Selon la justice, il s’agit d’une dispute avec sa compagne. Alors que le vainqueur de The Voice rentrait ivre avec 2,5 g d’alcool dans le sang, en plein milieu de la nuit, réveillant leur enfant de trois ans, celle-ci a déclaré vouloir le quitter.
Alcool, drogue, dispute… Tous les éléments réunis dans ce contexte amènent à penser à une situation de violences conjugales. Simuler son suicide, en particulier, en relève-t-il ?
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« C’est caractéristique »
« Je le sais par expérience : dans la majorité des dossiers, les hommes alcooliques et drogués menacent de se suicider devant leur compagne », tranche net Maître Nathalie Tomasini, avocate spécialisée contre les violences intra-familiales, jointe par actu.fr.
Selon l’avocate au barreau de Paris, c’est bel et bien une violence psychologique qui est exercée. « C’est caractéristique. »
Simuler son suicide ou menacer de le faire, cela permet de resserrer l’emprise que l’on a sur sa compagne.
« Cela d’autant plus que cette femme ne fait pas partie des gens du voyage et qu’elle a été très mal accueillie », abonde Me Nathalie Tomasini.
« Il ne faut pas inverser les rôles »
Dans cette affaire, Kendji Girac fait deux victimes, selon l’avocate. D’une part, sa femme, qui va culpabiliser d’avoir plongé son compagnon dans une telle situation. « Elle sera montrée responsable de sa détresse : elle a voulu partir, cela l’a rendu malheureux et il souffrait tellement qu’il est passé à l’acte », résume Me Nathalie Tomasini.
D’autre part, leur fille qui se trouvait dans la caravane au moment où le coup de feu est parti. « Elle restera traumatisée pendant de longues années », affirme l’avocate.
« Mais il ne faut pas inverser les rôles », avertit Me Tomasini qui se dit « personnellement choquée » par les messages à l’avantage de Kendji Girac, le faisant passer pour une victime. « On le plaint, on questionne la suite de sa carrière… »
L’arbre qui cache la forêt
En réalité, atteindre une tel niveau de violences ne vient pas de nulle part.
Il y a très vraisemblablement des violences psychologiques existantes bien en amont. On n’en arrive pas à des violences extrêmes, comme c’est le cas présentement, si cela ne fait pas des mois et des mois qu’il y a de la violence.
« On ne connaît pas le quotidien de cette femme », souligne l’avocate. « Et, comme dans de nombreuses affaires aussi, elle a certainement dû minimiser tout ce qu’il s’est passé. »
Selon Olivier Janson, procureur de Mont-de-Marsan, la jeune femme avait déjà mentionné des faits de violence dans le passé : le chanteur l’avait menacée « de se mettre une balle et (de) s’ouvrir la gorge » dans le cadre de disputes. L’alcool était d’ailleurs omniprésent dans leur quotidien : « Ses cuites étaient de plus en plus nombreuses et longues et pouvaient durer durant 48 heures », rapporte Olivier Janson.
Mais aucun fait de violences physiques n’a été indiqué. « Dans l’esprit commun, les violences conjugales sont associées aux violences physiques. Mais on oublie l’existence et l’impact des violences psychologiques » , abonde Me Tomasini.
L’affaire similaire d’Alexandra Lange
Jacqueline Sauvage, Valérie Bacot… Me Nathalie Tomasini a défendu plusieurs femmes devant la justice accusées d’avoir tué leur conjoint. En 2009, elle représente Alexandra Lange. Son conjoint tente de l’étrangler après qu’elle lui annonce vouloir le quitter. Et le tue d’un coup de couteau. “Elle avait épousé un homme de la communauté des gens du voyage, elle n’en faisait pas partie”, précise l’avocate. Les violences qu’elles subissaient étaient quotidiennes. Jusqu’à ce qu’elles amènent Alexandra Lange à une situation de violence extrême. Celle-ci a finalement été acquittée.
Jusqu’à cinq ans d’emprisonnement
Kendji Girac peut-il être puni pour avoir fait semblant de se suicider devant sa femme ?
Les violences conjugales sont régies par les articles 222-1 à 222-67 du Code pénal. Et les violences psychologiques, précisément, à l’article 222-14-3 : « Les violences (…) sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques. »
Mais pour cela, la femme de Kendji Girac doit porter plainte et faire valoir une ITT (une incapacité totale de travail), cette unité de mesure pénale permettant d’évaluer les traumas suite à des violences. En cas de violences psychologiques, l’ITT est estimée par un psychiatre judiciaire, objectif et neutre.
Si l’ITT est estimée à moins de huit jours, Kendji Girac encourt jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende ;
Au-delà de huit jours d’ITT, le chanteur risque jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
La femme de Kendji Girac portera-t-elle plainte ? Pour le moment, aucune information n’a été communiquée à ce sujet. « Ce n’est pas encore trop tard pour elle« , glisse Me Tomasini. Légalement, elle dispose de six ans pour le faire.