Passionné par la musique autant que le cinéma, la littérature et le journalisme, il est incollable sur la scène rock indépendante et se prend de passion pour les dessous de l’industrie musicale et de l’organisation des concerts et festivals, où vous ne manquerez pas de le croiser.

Huit mois après la fin de la “Star Academy”, Victorien fait les présentations avec son premier EP “Me voilà”. L’ancien ostréiculteur se confie à coeur ouvert sur l’après Star Ac, sa vision honnête du succès et ses inspirations entre Grand Corps Malade et Ben Mazué. Interview pour Purecharts !

Crédits photo : Frankie Allio
Propos recueillis par Théau Berthelot.

Un an a passé depuis ton entrée à la “Star Academy” : quel bilan tires-tu de ces 12 derniers mois ?
Franchement, c’était une année incroyable, que je n’ai pas vu passer tellement il s’est passé de choses. J’ai rencontré autant de gens en un an que sur les 23 années d’avant, c’était juste fou ! Et puis de pouvoir vraiment commencer à faire de la musique mon métier, c’est aussi incroyable. En un an, j’ai construit une nouvelle vie que je n’avais pas avant. C’est énormément de découverte, d’apprentissage, de travail. Le fait que ça devienne mon métier, c’est complètement fou.

Tu dis que tu t’es construit une vie, tu en as aussi vécu mille !
Complètement ! Je me suis retrouvé dans une émission, sur scène, à jouer dans une série mon propre rôle [“Demain nous appartient” ndlr], des shooting photos, le studio, l’enregistrement… Découvrir tout ça, avec les personnes avec qui je travaille et avec qui je m’entends trop bien, de pouvoir tout construire tous ensemble, c’est génial.
En un an, j’ai construit une nouvelle vie
Comment as-tu suivi la tournée “Star Academy” ? Ce succès impressionnant t’a fait peur de l’extérieur ?

J’avoue que la tournée, je n’ai pas vécu de choses particulières par rapport à ça, si ce n’est de suivre ce qu’il se passe, regarder tous les gossips sur Twitter : comment ils ont chanté telle chanson, qui a dit quoi… C’est vrai que j’avais tellement de travail que ça n’a pas particulièrement impacté ma musique ou mes interactions avec les gens dans la rue. Ça n’a même rien changé, je n’étais pas dans tout cet engouement de la tournée. C’était à la fois positif car ça m’a permis de construire tout le projet qu’on est en train de développer, et ça nous a fait gagner six mois !

Quand j’écris, il faut vraiment que ça me fasse du bien
Justement, ton premier single “Tous les matins” est sorti deux mois seulement après la finale de la “Star Academy”. Tu avais envie de rebondir rapidement ?
Complètement ! Dès le départ, j’avais un avantage : j’écrivais déjà, donc j’avais les chansons. “Tous les matins” n’en faisait pas partie mais j’en avais avant de rentrer dans la “Star Academy”. Je suis sorti de l’émission le 3 décembre, et “Tous les matins” j’ai dû l’écrire le 20 décembre quand je suis redescendu dans le Sud pour revoir ma mère. Je l’ai écrite dans le train en une heure. Je l’ai tout de suite trouvée cool donc on l’a rapidement enregistrée en studio. Mi-janvier, elle était prête. Après, il y a des histoires de contrats par rapport à l’émission qui font qu’on a des délais à respecter sur les sorties…

Par rapport à ce contrat, quels étaient les délais ?
Je crois qu’à partir de mars on pouvait faire ce qu’on voulait… Mais dès que j’ai pu sortir cette chanson, je l’ai fait. J’ai vraiment eu la volonté de rebondir vite avec de la musique, et de ne plus poster que ma vie sur les réseaux. Parce qu’il y a un moment où c’est la musique qui va être importante.
Ça fait peur, tout est arrivé très vite
Tu sors ton premier EP “Me voilà”. Que voulais-tu exprimer à travers ce premier projet ?
Dans cet EP, l’idée était vraiment de me présenter au public au-delà des deux-trois singles déjà parus. On a déjà sorti trois chansons d’amour, et dans l’EP, l’idée c’était de parler de moi, de qui je suis, afin d’amener vers une suite plus introspective. Jusqu’ici j’étais très contemplatif, maintenant on va essayer d’être plus introspectif. Justement, ces chansons en parlent assez bien. “Me voilà” est une présentation très littérale de ma personne et de ce qui passe en ce moment. De ma découverte de la musique aux anecdotes, comme le fameux café à 5 euros (rires). Et puis je voulais mixer tous les styles : une chanson comme “Plus rien” est plus moderne, avec quelques inspirations “urbaines”, même si je n’aime pas ce mot parce qu’il veut tout et rien dire. Sur “Comme un enfant”, on va être très variété/guitare… J’avais envie de mixer tout ça pour montrer qui je suis, et tout mon univers.

C’est vrai qu’à l’écoute de l’EP, on ressent pas mal de tes influences, comme Grand Corps Malade ou Ben Mazué…
Je pense que ça s’est fait malgré moi. Je n’ai jamais cherché à faire pareil que quelqu’un, mais un peu différemment. Ce n’est pas du tout ce que j’ai envie de faire. Mais le fait de les écouter et de les apprécier, ça joue forcément sur ma musique, comme quelqu’un qui va écouter… Je prends l’exemple de Margot, qui va écouter les Fréro Delavega, il y aura malgré elle toutes ces influences-là sur ses chansons. Moi, il y aura malgré moi des influences qui feront dire aux gens qu’il y a des sonorités similaires. Mais je ne me suis jamais dit que j’allais faire un EP qui allait ressembler à du Ben Mazué, du Raphaël ou du Grand Corps Malade.


Il y a une partie du public qui n’est pas forcément là pour la musique et qui s’en va
Comment se passe ton processus de création, d’écriture des morceaux ?

Ce sont des chansons qui sont nées un peu partout dans cet hiver-printemps-début d’été. J’ai écrit énormément de chansons sur cette période, mon ordinateur est vraiment blindé. J’ai au moins une centaine de débuts de textes, et peut-être une trentaine de chansons complètes ! Le processus est simple : la nuit, je suis dans mon lit en train de regarder un film, et puis il y a l’idée de la chanson qui arrive d’un coup, j’attrape la guitare et je commence à trouver quelque chose qui peut sonner bien.

Passons en revue les chansons inédites de cet EP. Sur “Comme un enfant”, tu chantes « J’ai cherché ma place sans jamais la trouver ». C’est ce que tu as ressenti pendant longtemps ?
“Comme un enfant” c’est vraiment l’histoire de ma vie, quand j’étais plus petit, et même encore de maintenant. J’étais toujours un peu à l’écart de tout ce qui se passait. J’avais des amis mais pas de copains, j’existais mais je vivotais d’un groupe à l’autre sans être trop important pour le groupe : si je n’étais pas là c’était pareil, mais quand j’étais là ça se passait bien. J’avais aussi beaucoup de difficultés à aller à l’école, je faisais des crises d’angoisse avant d’aller en cours. En fait, je ne savais pas où j’étais et où je voulais aller. Et ce “J’ai cherché ma place sans jamais la trouver”, ça vient de là.
Tu vois les chiffres baisser, tu te demandes si ça va durer
Aujourd’hui, tu te dis encore cette phrase ?
Je pense que je me dis moins cette phrase littéralement car je grandis. Je commence, et encore plus maintenant que je fais de la musique, à comprendre où j’ai envie d’être et ce que je veux faire. Mais il y a toujours des moments où je me demande si c’est la bonne solution, la bonne idée. Je pense que tout le monde se pose cette question. C’est hyper personnel mais tout le monde peut se reconnaitre dans cette chanson.

Et justement, toujours sur la thématique de l’enfance, tu chantes ensuite sur le titre “Plus rien” : « Je crois que j’ai perdu mon regard de gamin »…
“Comme un enfant”, c’est un peu cette innocence où on ne comprend pas trop ce qui se passe. “Plus rien”, j’ai compris ce qu’il se passe ! C’est une chanson que j’ai écrite après l’émission, et je ne savais pas ce que je faisais là, ce que je voulais raconter, avec qui je voulais travailler ou si je voulais, dans le fond, faire vraiment de la musique. Tout ça a amené à “Plus rien” et cette chanson a répondu à pas mal de questionnements.

Ça a été un peu cathartique ?
Complètement ! J’aime bien voir mes chansons comme ma thérapie. Et après, si ça touche d’autres personnes tant mieux. Au fond, quand je l’écris, il faut vraiment que ça me fasse du bien.


L’incertitude de la suite est assez compliquée
“Les fleurs” est une chanson davantage slam. Est-ce une réponse aux “Bonbons” de Jacques Brel ?
J’avoue que je l’ai pas du tout pensé comme ça ! Mais maintenant que tu en parles, c’est vrai que complètement (sourire). C’est une pure déclaration très explicite… Mais j’irai réécouter la chanson différemment !

“Tu n’existes pas” est un titre assez intime et mélancolique : à qui t’adresses-tu ?

C’est presque à moi que je m’adresse. Dans le sens où je n’ai jamais été amoureux, et autour de toi tu vois plein de gens qui vivent des choses et ils le décrivent comme quelque chose de fou. Moi aussi j’aimerais bien, mais “tu n’existes pas”. C’est presque une déclaration générale.

Sur le morceau-titre “Me voilà”, tu t’interroges : « Comment faire pour que ça dure ? J’en ai tellement rêvé je te jure ». Selon toi, comment durer aujourd’hui dans l’industrie ?
Ça fait peur parce que, mine de rien, tout est arrivé très vite. Il n’y a pas encore eu cette construction pérenne d’aller chercher les gens, les accrocher dans un univers. Justement, là je dois les convaincre à travers ce premier projet que c’est cool et que ça peut leur plaire. En fait, c’est un peu une carrière à l’envers ! On est sur scène, on a des gens qui nous suivent mais on n’a pas de chansons. Après, on doit tout refaire comme n’importe quel artiste, alors qu’il y a tous ces gens qui sont déjà là et qu’il faut garder. Je ne sais pas si c’est plus angoissant que de le grapiller, mais c’est très dur. Et encore plus en ce moment. Au fil des mois, tu vois qu’il y a une partie du public qui n’était pas forcément là pour la musique et qui s’en va. Ce sont des chiffres, mais tu les regardes malgré toi ! Tu vois certains chiffres qui baissent et tu te demandes si ça va durer et comment faire pour que ces gens-là restent. Je pense que ça passe par le travail et il y a un vrai développement à faire. Il ne faut pas prendre ça pour acquis.
Pierre ne prend pas la grosse tête, il est bien entouré
Comment faire la différence au vu des nouveaux artistes qui arrivent chaque jour ?
C’est dur comme question ! (Rires) Moi j’essaie juste de faire de la musique qui me plaît, dans laquelle je raconte des choses vraies. Si ça doit marcher ça marchera, sinon on continuera de faire des chansons avec autant de sincérité et ça finira par payer.

C’est ce que tu dis dans la chanson : « J’avais peur de l’échec devant moi. (…) Qu’est-ce que je pourrais faire de mieux, à croire que je suis fait pour ça ». La musique t’a permis de te rassurer face aux insécurités ?
En fait, je prends la vie un peu plus légèrement qu’avant, au sens où avant j’avais quelque chose de très carré dans ma vie. Aujourd’hui, comme je n’ai plus le trop le contrôle sur ce qui se passe, ça force à faire un travail sur soi-même en se disant que ce qui va arriver arrivera. Et on va faire en sorte que ça se passe bien. Il y a un lâcher-prise à prendre, c’est un gros travail à faire en ce moment et ce n’est pas facile. Il y a des soirs où c’est horrible, où je suis dans ma chambre et je me dis que je ne contrôle rien. L’incertitude de la suite est assez compliquée parfois… Mais j’arrive à faire ce travail de me dire que je prends ce qui vient.

« C’est pas grave si ça marche pas, je me serai fait confiance pour une fois » poursuis-tu. Ça te rassure de te dire ça ?
La musique, je ne la contrôle pas. Au moins j’aurais essayé… Je me dis juste que je fais mon maximum, même si ça n’a pas marché. Mais il n’y a pas de raisons que ça ne marche pas. J’y crois !

 Ecoutez l’EP “Me voilà” de Victorien :

Les duos Star Ac ? C’est trop tôt
Quand tu vois le succès dingue de Pierre Garnier, ça te fascine ou ça te fait peur ?
C’est fou ! Il a vraiment explosé du jour au lendemain, et il a l’avantage d’être super bien entouré et encadré par une super équipe que j’ai pu rencontrer. Je pense que ça l’aide à garder les pieds sur terre. Je l’ai revu plusieurs fois depuis et je ne m’inquiète pas du tout pour lui ! Il n’est pas du tout en train de prendre la grosse tête. J’avoue qu’à l’instant T, ça ne me fait pas forcément rêver à cette échelle parce que j’ai quand même envie de faire tout ce travail, assez normal, d’aller conquérir un public, de passer par les petites salles. Mais l’entourage joue beaucoup !

Tu ne partages pas de duos avec tes anciens camarades. Tu avais envie d’être vraiment en solo sur ce projet ?
Sur un premier projet, d’autant plus attendu, c’est important de montrer qui je suis avant d’aller chercher des duos. Surtout des duos “Star Ac” qui ne se feront pas, je pense, car on a toute notre place à créer. On a existé en tant que groupe, on s’entend trop bien et cela ne nous empêche pas de nous voir. Mais là c’est trop tôt. Peut-être que dans 10 ans, on se dira que ce sera cool de se faire un petit revival… C’est trop tôt pour le faire, même avec un autre artiste. C’est déjà important de se montrer soi-même avant de chercher à le faire avec d’autres.

Tu as assuré tes premiers concerts. Tu sens que les conseils et expériences de la Star Ac’ ont été fructueux ?
La Star Ac’, ça m’a aidé à oser et à me mettre à l’aise. Après, ce qui m’a permis d’être à l’aise sur scène, c’est le fait qu’on ait travaillé avec mon coach pour préparer les dates. Mine de rien, on est 13 à la Star Ac’, on ne peut pas mettre huit heures de cours sur une seule personne. Ce serait exceptionnel mais ce n’est pas possible. Le fait d’avoir eu un suivi très particulier où l’on travaille des points ultra précis. C’est là où j’ai passé une étape sur scène : maintenant je kiffe beaucoup plus, en ayant plein de conseils. Je pensais que je n’étais pas à l’aise, mais c’est juste que je n’avais pas travaillé ça.
Je dois convaincre les gens que mon projet peut plaire
C’est plus libérateur ? Tu te lâches plus ?
Complètement ! Surtout dans des petites salles comme celles-ci. Il y a un vrai échange avec le public qui est très proche. Ce n’est pas comme dans un Zénith, quand j’ai pu chanter avec Grand Corps Malade, où tu ne vois pas un visage tellement la salle est grande et où les lumières t’éblouissent. Là, tu vois les visages jusqu’au dernier, les gens t’écoutent et ressentent plus ta musique.

Tu me disais avoir une centaine de démos et une trentaine de chansons fignolées. Tu penses déjà à un premier album ?
Moi j’ai envie d’y penser, après pour l’instant je ne sais pas quand, avec qui, comment et ce qu’il y aura dedans. J’ai un vrai problème : dès que j’écris une chanson, j’estime automatiquement qu’elle est mieux que celle d’avant. Donc j’ai beaucoup de chansons qui vont disparaître de mon ordi parce que je ne vais pas pouvoir toutes les passer en studio. Je suis un peu un éternel insatisfait. Si ça se trouve, ces trente chansons-là n’y seront jamais et resteront des textes dans mon ordi, ou peut-être pour d’autres artistes… Dès que l’EP sort, on le fait vivre et on continue à faire des chansons en studio.

La prochaine saison de la “Star Academy” se dévoile un peu plus avec les nouveaux profs. A quelques jours de la prochaine saison, quels conseils donnerais-tu aux nouveaux élèves ?
D’être honnête avec les gens et eux-mêmes. Il ne faut pas chercher à faire quelque chose pour une visibilité. Si ça doit plaire, ça plaira. Il ne faut pas forcer les choses !

Vas-tu venir chanter sur un prime ?
J’adorerais mais pour l’instant, je n’ai pas encore été contacté. S’ils veulent me revoir, c’est avec grand plaisir (sourire). En fait, je suis curieux de voir comment je me comporte aujourd’hui sur un plateau, ce serait assez fou de voir la différence avec l’année dernière. Je ne serai pas dans une histoire de pression, juste dans l’amusement. Et puis c’est ta chanson, tu es plus à l’aise dessus !