Retraite de Rafael Nadal – Frères d’armes : un destin indissociable de celui de Roger Federer
Rafael Nadal a donc mis un terme à sa fantastique aventure sur les courts de tennis du monde entier mardi. En déposant les armes à Malaga après une ultime défaite face à Botic van de Zandschulp, il a quitté la scène et rejoint par la même occasion son plus grand rival et meilleur ennemi, Roger Federer. Il ne se sera finalement pas vraiment remis du départ à la retraite de ce dernier.
23 septembre 2022 – 19 novembre 2024. Un peu plus de deux ans séparent ces deux dates qui marqueront à jamais les esprits des passionnés de tennis, confrontés à un double “deuil” qu’ils redoutaient et savaient inévitable, bien que longtemps repoussé.
A peine remis de la perte du virtuose des courts, Roger Federer, ils disent désormais adieu au combattant ultime, Rafael Nadal. Ces qualificatifs, aussi élogieux soient-ils, ne pourraient toutefois résumer à eux seuls ces deux légendes du sport, à quel point ils ont inspiré et fait rêver des millions de gens, et surtout pas ce qu’ils ont représenté l’un pour l’autre.
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L’émotion était intense mardi soir à Malaga. Le public a vibré, dévoué à son idole et dans un déni touchant en fin de match à scander les “Si, se puede” (“Oui, c’est possible”) pour maintenir l’illusion d’une ultime et flamboyante révolte contre le temps qui passe.
Puis, nombreux sont ceux à avoir versé bien des larmes dont la sœur du Majorquin, Maria Isabel, particulièrement affectée. Rafa, lui, a eu aussi les yeux humides, mais fidèle à son humilité naturelle quand il s’agit de parler de lui-même, il a tenu le coup au moment de prendre à deux reprises le micro pour retracer son formidable voyage tennistique. C’était peut-être aussi le signe qu’il était prêt.
Car des larmes, il en avait déjà beaucoup versé. Un torrent même à l’O2 Arena de Londres ce soir d’automne voici deux ans donc, après un dernier double disputé au côté de Federer.
Grand émotif lui-même, le Suisse avait craqué dans les grandes largeurs dans des adieux qui ressemblaient à un jubilé partagé avec ses comparses de l’ex-“Big 4” du tennis mondial, Novak Djokovic et Andy Murray étant également présents. Mais le plus inconsolable était bien Nadal, car, comme il l’avait admis, une partie de lui-même s’en allait avec le Bâlois.
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Un modèle à dépasser, une équation à résoudre
Le Majorquin a croisé 60 fois le fer avec Djokovic, soit 20 combats de plus que face à Federer, et pourtant, il a toujours considéré celui-ci comme son plus grand rival. Pourquoi ? Tout simplement parce que sa carrière s’est d’abord construite autour de ce défi : déboulonner celui qui imposait alors sa poigne de fer au reste du circuit.
De leur premier duel – qu’il a d’ailleurs remporté – à Miami en mars 2004 à l’été 2008 où il a finalement accédé au trône après son triomphe mythique et symbolique à Wimbledon, il lui aura fallu plus de quatre ans pour y arriver, alors même qu’il dominait déjà nettement leurs face-à-face.
Comme rarement il l’avait fait auparavant, Federer l’a confié mardi dans une lettre personnelle et profonde adressée à Nadal : il l’a d’abord vu comme un obstacle déplaisant à sa domination sans partage, avant de concevoir cette équation longtemps impossible à résoudre comme un défi passionnant.
Car si Nadal n’aurait probablement pas été Nadal sans Federer, ce dernier n’aurait certainement pas eu plusieurs vies tennistiques sans ce diable de gaucher. N’oublions pas que dès les années 2008-2009, certains oiseaux de mauvais augure pronostiquaient la retraite du Suisse. Celui-ci aura tenu plus d’une décennie supplémentaire, et il le doit en grande partie à “Rafa”.
ATP Miami : Highlights of 2004 encounter between Federer & Nadal
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Ironie du destin, c’est au moment où Djokovic les supplantait peu à peu, dans la seconde partie des années 2010, que le Suisse a réussi à se révinventer en revers notamment pour inverser quelque peu le rapport de force avec l’Espagnol en gagnant 6 de leurs 7 derniers duels (Nadal restant largement en tête 24-16 au final).
Mais au-delà des chiffres, les deux légendes se sont façonnées l’une l’autre, comme des opposés stylistiques qui ne formeraient qu’un tout tennistique. Et au fur et à mesure des années partagées sur le circuit, ils se sont découvert des valeurs communes, incarnées par leurs familles respectives qui s’entendent aussi très bien.
Le corps a suivi l’esprit
Alors une fois Federer parti, c’était déjà la fin d’un monde pour Nadal. Et ses deux dernières années de carrière, gâchées par les blessures récurrentes (24 matches seulement), en ont finalement été le reflet. Comme si son corps, déjà très cabossé, avait lâché prise avec la disparition spirituelle de son frère d’armes.
Ne nous méprenons pas : jusqu’au bout, le “Taureau de Manacor” a été fidèle à lui-même, repoussant des limites toujours plus restrictives comme lors de cette belle résistance au printemps dernier au 1er tour de Roland-Garros face au futur finaliste Alexander Zverev.
Et dans les faits, Nadal a brillé sans Federer au cours d’une saison 2022 qui l’aura vu conquérir ses deux derniers Majeurs, supplantant dans ce domaine son rival suisse et achevant de forger sa légende de phénix inépuisable. Mais il ne s’est jamais vraiment remis de la retraite officielle de son meilleur ennemi. Cette image fugace de deux géants se tenant la main sur un banc londonien avait des allures de prémonition : leurs destins demeureront éternellement liés.
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