FIGAROVOX/TRIBUNE – Mardi 8 février, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’est montré agacé par les questions d’Apolline de Malherbe, lors de l’interview politique de RMC et BFMTV. Selon Arnaud Benedetti, ce dérapage est le reflet du mépris de la Macronie pour les contre-pouvoirs.
Arnaud Benedetti est professeur associé à l’Université Paris-Sorbonne. Il est rédacteur en chef de la revue politique et parlementaire. Il publie Comment sont morts les politiques ? – Le grand malaise du pouvoir (éditions du Cerf, novembre 2021).
C’est une séquence, une vignette médiatique qui parle d’elle-même. Elle combine tout à la fois Pavlov, Freud et… Gaston Lagaffe. Elle pourrait surtout annoncer une amorce de trajectoire, celle d’un exécutif qui trop sûr de lui oublie qu’entre sa reconduite et les Français, il existe juste un rite démocratique qui s’appelle l’élection au suffrage universel direct.
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Voulant disqualifier les arguments de la journaliste, il [Gérald Darmanin] a ramené ces derniers à l’expression du discrédit-valise dont macronisme, progressisme et boboïsme se regorgent dès lors que le réel leur saute aux yeux…
Arnaud Benedetti
Confronté à Apolline de Malherbe qui lui rappelait quelques mauvais chiffres en matière de sécurité, Gérald Darmanin a usé de la rhétorique du pauvre. Voulant disqualifier les arguments de la journaliste, il a ramené ces derniers à l’expression du discrédit-valise dont macronisme, progressisme et boboïsme se regorgent dès lors que le réel leur saute aux yeux : «populisme» a ainsi dénoncé le ministre de l’intérieur qui ne se retenant plus dans l’admonestation s’en est pris aussi au plateau télé de la concurrence directe de BFMTV, à savoir CNews.
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Du coup, le strike s’est retourné contre son initiateur qui est apparu tout à la fois comme inélégant non seulement vis-à-vis de son intervieweuse mais également aussi contre toute une profession qui a dénoncé dans un même élan dans les minutes suivant l’émission le comportement du ministre. Le barrage pavlovien – reductio ad «populisme»- s’est aussi doublé d’un aveu freudien : le mépris, l’outrecuidance de cette assurance permanente dont d’aucuns soupçonnent qu’elle constituerait la note lancinante du macronisme, comme si le pouvoir était inapte à susciter son propre antidote à la morgue qui menace à tout moment de le faire déborder de son lit démocratique.
Gérald Darmanin a ainsi cruellement rappelé les aspérités de tout un mandat. Un retour du refoulé inopportun à quelques encablures du 10 avril.
Cette absence de retenue comportementale désigne une impression qui opère depuis cinq ans comme le dépôt informel de la macronie. Cette com’ en roue libre à quelques semaines du premier tour de l’échéance présidentielle réactive comme une «mauvaise réputation» qui évidemment interroge sur ce que pourrait être la suite d’un pouvoir reconduit dans ses fonctions.À lire aussi «Ce qui se passe dans les autres grandes villes nous a rattrapés»: plongée au cœur du centre-ville de Nantes, miné par l’insécurité
C’est en conséquence le troisième volet d’un mauvais triptyque qu’illustre la «sortie» ministérielle: une bourde triple qui souligne à la fois le bilan contestable de l’exécutif sur un enjeu régalien qui polarisera la campagne jusqu’à son terme, un rapport à l’exercice des responsabilités qui ne dispose pas des anticorps indispensables à l’immunisation contre toute forme d’arrogance ou d’hubris, un problème d’acceptabilité de la contradiction et des contre-pouvoirs. Gérald Darmanin a ainsi cruellement rappelé les aspérités de tout un mandat. Un retour du refoulé inopportun à quelques encablures du 10 avril.