Derrière la plainte de Blake Lively contre Justin Baldoni pour h@rcèl.ement se*uel, une campagne de dénigrement massive ?
La star américaine a porté plainte pour harcèlement sexuel vendredi contre le réalisateur du film “Jamais plus” (”It ends with us”). Elle l’accuse aussi d’avoir conçu un plan de communication pour ternir sa réputation.
L’actrice Blake Lively lors de la première londonienne du film « Jamais Plus », dont elle accuse le réalisateur Justin Baldoni de harcèlement sexuel. Photo Anthony Harvey/Shutterstock/SIPA
C‘est une affaire qui en dit long sur le fonctionnement des relations publiques à Hollywood, et sur la facilité avec laquelle on peut ruiner la réputation d’une femme. La star américaine Blake Lively, à l’affiche l’été dernier de Jamais Plus (It Ends With Us), a porté plainte vendredi 20 décembre contre le réalisateur, coproducteur et interprète principal du film Justin Baldoni. Elle l’accuse de harcèlement sexuel sur le tournage. Mais également de « représailles » et d’avoir orchestré une campagne de dénigrement à son encontre.
La plainte vise aussi les producteurs Jamey Heath et Steve Sarowitz, leur studio Wayfarer – dont Baldoni est cofondateur – et trois communicants. L’actrice les accuse d’avoir conçu un « plan à plusieurs niveaux » pour nuire à sa réputation ; elle s’appuie sur des milliers d’e-mails et SMS obtenus via une assignation judiciaire. The New York Times, qui y a eu accès, en détaille le contenu dans une enquête édifiante.
« L’équipe Baldoni/Wayfarer a créé, diffusé, amplifié et renforcé des contenus destinés à éviscérer la crédibilité de Mme Lively », est-il affirmé dans la plainte. « Ils ont utilisé les mêmes techniques pour renforcer la crédibilité de M. Baldoni et supprimer tout contenu négatif à son sujet. » L’avocat de Justin Baldoni et Wayfarer, Bryan Freedman, a déclaré qu’il s’agissait d’une « tentative désespérée [de l’actrice pour] “réparer” sa mauvaise réputation ». D’après lui, les plaintes sont « complètement fausses, scandaleuses et intentionnellement salaces ».
Une promotion scrutée
Adapté d’un roman de la star de TikTok Colleen Hoover, Jamais Plus est l’un des succès surprise de l’été au box-office, malgré des critiques sur une romantisation des violences conjugales. La stratégie promotionnelle du film a été amplement scrutée et discutée, nombre d’internautes ayant remarqué que Blake Lively et Justin Baldoni n’apparaissaient jamais ensemble. De fait, raconte le New York Times, avant la sortie du film, Lively et d’autres interprètes, ainsi que Colleen Hoover, avaient informé les producteurs du film qu’ils ne souhaitaient pas assurer la promotion de Jamais Plus aux côtés du réalisateur.
C’est peu avant la sortie en salles, cet été, que Justin Baldoni et son équipe ont fait appel à plusieurs communicants, dont Melissa Nathan, experte en gestion de crise. Elle a travaillé pour les rappeurs Drake et Travis Scott, et pour l’acteur Johnny Depp. En 2022, celui-ci a attaqué en diffamation son ex-femme Amber Heard, qui l’accusait de violences conjugales. L’affaire, très médiatisée, a donné lieu à un emballement médiatique et populaire largement favorable à Depp.
Blake Lively se serait inquiétée de Baldoni avant le début du tournage, s’opposant à des scènes de sexe qu’il voulait ajouter et qu’elle jugeait gratuites. En novembre 2023, alors que le tournage reprenait après la grève des scénaristes, elle aurait demandé à Wayfarer des « protections ». En janvier 2024, elle aurait détaillé ses doléances lors d’une réunion avec les producteurs, selon la plainte déposée vendredi. Elle accuse Justin Baldoni d’avoir improvisé des baisers non consentis, de lui avoir parlé de sa vie sexuelle, notamment de rencontres au cours desquelles il n’aurait pas eu le consentement de ses partenaires. Elle accuse le producteur Jamey Heath de lui avoir montré des vidéos de sa femme nue, et affirme que les deux hommes sont plusieurs fois entrés dans sa loge alors qu’elle était déshabillée.
Après cette réunion, Blake Lively a entre autres obtenu la présence d’un coordinateur d’intimité, qu’il n’y ait pas d’ajout de scènes de sexe, que les deux hommes n’entrent pas dans sa loge, et qu’il ne soit pas discuté de pornographie ou d’expériences sexuelles en plateau, ni de son poids ou de son père décédé, relate l’agence de presse américaine AP.
Messages éloquents
En août, lors de la sortie du film, nombre d’articles et publications ont fait état de « difficultés » causées par Blake Lively sur le tournage. L’actrice a fait l’objet de plusieurs controverses en ligne, accusée d’avoir rompu la grève des scénaristes, ou d’être « insensible » aux violences conjugales. Elle avait peu abordé cette question pendant la promotion du film, suivant le plan officiel de communication autour de Jamais Plus. Après avoir vu qu’elle était critiquée à ce sujet, Justin Baldoni a changé sa propre stratégie et s’est posé en défenseur des survivant·es de violences conjugales, affirme le New York Times.
Il est difficile d’évaluer précisément l’ampleur du travail des communicants, et de leur ingérence. Mais la plainte cite des messages éloquents : « Il veut sentir qu’elle peut être enterrée » aurait écrit un communicant de Wayfarer à Melissa Nathan le 2 août. Le 16 août, alors que le Daily Mail titre « Blake Lively est-elle sur le point d’être CANCELLED ? », l’experte en communication Jennifer Abel, également embauchée par Baldoni, écrit à Melissa Nathan : « Tu t’es vraiment surpassée avec ce papier. »
Un rapport commandé en août par Blake Lively montre que 35 % des résultats Google la concernant évoquent aussi Justin Baldoni – un chiffre surprenant compte tenu du statut de l’actrice et de la longévité de sa carrière. Révélée en 2005 par le film Quatre filles et un jean, Blake Lively a atteint la célébrité avec la série Gossip Girl de 2007 à 2012. Actrice, productrice et entrepreneuse, elle est l’une des personnalités les plus en vue de Hollywood. Justin Baldoni a joué dans la série Jane the Virgin. Il se présente comme un « allié » des femmes et du combat féministe, et a donné des conférences sur la masculinité toxique. Samedi 21 décembre, après que la plainte a été rendue publique, l’agence WME, qui représentait l’acteur et réalisateur, a annoncé s’en être séparé. Deux ans après le procès Depp-Heard, pendant lequel il a été montré que le discrédit de la parole d’Amber Heard avait été organisé, notamment par des sphères masculinistes, cette affaire est sans doute loin d’être terminée.