Tennis : effet d’inertie, contrat d’ambassadeur, l’exemple Federer… Comment le sponsoring de Rafael Nadal change avec sa retraite

Tennis : effet d’inertie, contrat d’ambassadeur, l’exemple Federer… Comment le sponsoring de Rafael Nadal change avec sa retraite

Avec la retraite de l’Espagnol après presque 20 ans de carrière, l’histoire va-t-elle également s’arrêter avec ses sponsors historiques comme Nike ou Babolat ?

Rafael Nadal après sa défaite face à Carlos Alcaraz lors de la "6 Kings Slam" à Riyad, le 17 octobre 2024. (FAYEZ NURELDINE / AFP)Rafael Nadal après sa défaite face à Carlos Alcaraz lors de la “6 Kings Slam” à Riyad, le 17 octobre 2024. (FAYEZ NURELDINE / AFP)

Tout comme Roger Federer, Rafael Nadal est désormais un retraité du tennis. Depuis sa défaite en Coupe Davis, le 20 novembre dernier, l’Espagnol de 38 ans a rangé les raquettes pour entamer sa deuxième vie. Avec une carrière débutée en 2001, le Majorquin demeure une icône qui dépasse largement le tennis. Un statut qu’il va, comme Roger Federer, tenter de conserver, voire de fructifier. Mais comment se passe la transition au niveau sponsoring lorsqu’une telle légende part à la retraite ?

Lié à Nike toute sa carrière, mais également à Babolat, qui le fournit en raquettes depuis ses neuf ans, Rafael Nadal aussi est affilié à la marque automobile Kia ou encore à Louis Vuitton. Autant de sponsors qui ont capitalisé sur l’image singulière de l’Espagnol. “C’est un des rares athlètes à avoir une personnalité de marque. Il a un coup à lui, le lasso. Ses tics, ses résultats, sa manière de frapper la balle, son ‘fighting spirit’, le bandeau, le logo… Tous ces éléments font sa caractéristique”, détaille Lionel Maltese, maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille et ancien membre du comité exécutif de la FFT.

“La mémorisation de Nadal est très forte, comme celle d’Ayrton Senna ou Michael Jordan. Et de Roger Federer ou Serena Williams en tennis.”
Lionel Maltese, spécialiste du marketing sportif

à franceinfo: sport

A la retraite, Rafael Nadal va conserver ses partenariats, qui seront logiquement revus à la baisse puisqu’ils sont indexés sur son temps d’exposition, soit sa présence sur le court. “Les cinq sets, les finales de Grand Chelem, les titres, la recherche de ce qu’on appelle la notoriété spontanée, ça va être dégrevé parce que ça ne va plus avoir lieu”, détaille Lionel Maltese.

Un effet d’inertie colossal
Pour autant, Rafael Nadal va bénéficier de ce qu’on appelle l’effet d’inertie, soit une image de marque qui perdure même après la retraite, conséquence de son empreinte dans le monde sportif. “Le montant va diminuer par rapport au taux d’exposition, mais ça ne m’étonnerait pas qu’il y ait un effet similaire à celui de Roger Federer. Peut-être moindre, parce que je pense que la marque est un peu moins puissante, mais l’effet d’inertie est un des plus importants qui va exister dans le sport”, affirme Lionel Maltese.

Avec néanmoins un impact notable : les ventes de raquette. “Les ‘tennis natives’ qui arrivent, ils ne vont pas connaître Nadal sur le court, donc ils ne vont pas s’identifier à lui. Même s’il reste des images, les enfants vont plutôt aller vers la raquette de Carlos Alcaraz, parce qu’ils s’identifient à quelqu’un qui est vivant, sportivement parlant”, poursuit-il. La marque française de raquettes l’a bien compris puisqu’elle a sous contrat depuis ses 10 ans et jusqu’au moins 2030 un certain… Carlos Alcaraz(Nouvelle fenêtre).

 

A l’image de Nike, qui avait préparé un clip spécialement pour sa retraite, Rafael Nadal est bien ancré chez tous ses sponsors, qui lui ont rapporté plus de 400 millions de dollars nets en carrière selon Forbes.(Nouvelle fenêtre) Il va logiquement voir ses contrats évoluer, comme avec la marque française Babolat, son partenaire depuis 29 ans. “Ça fait très longtemps qu’on a anticipé ça avec Rafa et avec son clan, explique Marion Cornu, directrice marketing tennis chez Babolat.

On va basculer sur un contrat d’ambassadeur basé sur trois piliers. Le premier, c’est l’accompagnement des projets du joueur, sa fondation, son académie pour lesquels on l’accompagnait déjà. Le deuxième, c’est l’implication du joueur sur de nouvelles innovations et sur le développement du matériel. Et le troisième, c’est la participation du joueur à des temps forts de la marque.”

Si la marque Rafael Nadal est aussi forte, c’est parce que son représentant a toujours su séduire de potentiels partenaires. “Il est distinctif, et c’est ce qui intéresse des marques. Il a un record qui est imbattable, son histoire est racontable dans un film, comme celle de Mohamed Ali. Et il y a un respect de ses pairs qui est extrêmement puissant. Le côté légendaire plaît beaucoup aux marques, l’authenticité aussi”, poursuit Lionel Maltese.

“ll y a un respect énorme pour son humanisme. Nadal est extrêmement agressif et ne lâche rien sur le terrain, mais dans la vie, c’est un agneau. Il est fair-play, respectueux, bien élevé. Ça plait aux marques, car il ne ment pas.”
Lionel Maltese, spécialiste du marketing sportif

à franceinfo; sport

Vers quel type de retraité va alors se diriger Rafael Nadal ? Sans doute pas exactement celui de Roger Federer, toujours le sportif le mieux payé en termes extrasportifs avec 95 millions de dollars annuels, grâce notamment à Rolex, mais aussi à la Laver Cup, intégrée dans le circuit ATP.

“Federer a entrepris bien avant sa retraite d’être un entrepreneur, avec son propre événement, la Laver Cup, qui fait résonner ses marques. C’est une exhibition qui a été validée par le circuit ATP juste sur son nom, c’est incroyable”, pointe le spécialiste.
Un modèle différent de Federer

A l’instar des courts, les deux rivaux et amis ont choisi un style très différent. “Federer, c’est un investisseur. Il a la marque On, qui est dans un secteur extrêmement concurrentiel, la chaussure et l’équipementier sportif. Nadal, lui, a investi dans le sportif. Il est à la tête d’une académie. Les infrastructures qu’il a créées, ce n’est pas qu’à Majorque.

Et il est l’égérie de l’Arabie saoudite. Il a des antennes un peu partout. Il a beaucoup investi dans les infrastructures et dans les académies autour de sa marque personnelle. Donc ça, ça va rester”, poursuit-il.

Au contraire du Suisse, passé en 2018, soit quatre ans avant sa retraite, chez Uniqlo après 18 ans chez Nike, Lionel Maltese voit Rafael Nadal maintenir ses partenariats avec ses sponsors de toujours. “Je pense que c’est quelqu’un de fidèle, et je ne le vois pas entreprendre, aller chez Adidas ou quelque chose comme ça”, estime-t-il.

Le tout agrémenté d’exhibitions juteuses qu’il a déjà commencé à entreprendre sur sa fin de carrière. “Il a fait l’exhibition pour Netflix contre Carlos Alcaraz. La dernière en Arabie saoudite (mi-octobre) également, où il a fait ses derniers vrais matchs accrochés”, relève-t-il.

Pour éviter les écueils Shaquille O’Neal et Andre Agassi, passés à un autre équipementier avec peu de succès (Li-Ning pour O’Neal, Adidas pour Agassi), Rafael Nadal aurait tout intérêt à ne pas trop se diversifier, estime Lionel Maltese. “En général, cela rate quand vous avez des personnages qui se cherchent, et qui finalement ont une image de marque qui se perd. Ceux qui sont restés dans leur ADN, comme Federer, Nadal, Senna, Zidane, ou Cruyff, cela fonctionne”.

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